noeuds
Il m’a fallu du temps.
Il m’a fallu du temps pour arriver ici.
Je n’avais pas peur.
Je me suis égarée.
J’avais peur.
Je ne me suis pas égarée.
Ce n’est pas le chemin que j’ai perdu.
Ce sont les repères qui sont le chemin.
J’ai perdu mon point de départ.
Je ne connaissais pas le point d’arrivée.
Les jalons ont disparu.
Plus de gauche.
Plus de droite.
Plus de bord.
Plus de gouffre.
A peine juste un peu de vent.
Sont-ce des jours, des heures, des semaines, des mois, des années qui se sont écoulées-là.
J’ai empaqueté ce que j’avais.
Emmuré.
Un cadenas ferme la porte.
Tout est au dedans. À l’abri.
Moi, je suis au dehors.
Moi, je cherche le chemin.
Moi.
L’errance.
L’errance.
Moi.
De certaines choses, je disais “c’est ma nature”.
Mélanges savants.
Conditionnements. programmations successives.
Confortables habitudes.
Une nature d’artifice. Je reste à être.
Hier.
Un espace mondain.
Et.
Curieusement.
Dans l’obscurité, mes pensées recouvrent le goût de l’espace.
Cette nuit, dans un espace forestier, je vous ai parlé.
Je vous ai demandé pardon.
Pardon de tant d’égarements.
Vous portiez un pull blanc.
Quand mes mots furent épuisés, vous portiez un pull rouge.
J’ai pris votre main pour vous demander de ne pas comprendre.
Je pense avoir pleuré un peu.
Vous m’avez dit.
Le chemin est là.
Il n’a pas besoin de toi.
Peut-être as-tu besoin de lui.
Je me suis relevée.
Votre pull à nouveau était blanc.
J’ai marché.
J’ai marché.
Je vous ai laissé à nouveau.
J’ai marché.
M’avez-vous vu ne pas oser me retourner.
À présent je suis ici.
Et lui aussi.
Lui.
Là, devant moi.
J’ose à peine le regarder.
Mon cœur bat. Palpite. S’agite.
Je m’écorche.
Il s’écorce.
Je tends la main.
Et c’est sa peau qui me touche.
Je pose mes lèvres.
Et c’est lui qui m’embrasse.
Je lève les yeux.
Et c’est lui qui m’observe.
Je lui dis.
Et c’est lui qui m’abreuve.
Je m’allonge.
Mon corps épouse ses nœuds.
J’attendrai là.
Qu’il se délie.
Qu’il me lie.
Qu’il me prenne.
Au levé du soleil, je serai de bois.
Absorbée.
Mangée.
Amalgamée.
Comme toutes les autres avant moi.
Texte inspiré d’une photographie élégamment (et silencieusement) offerte par l’incroyable © Kurt Deruyter
(photo qui règne sur mon bureau depuis des années et que je ne possède qu’en papier glacé, ce qui explique la mauvaise qualité de reproduction (si tu passes par ici, pardon pour cela Kurt))